La Rondine, Opéra National de Lorraine

Cercle Lyrique de Metz, by Danielle Pister
05 October 2010

Cercle Lyrique de Metz – La Rondine Concert direction José Cura

Other delightful voices those of the Greek tenor Christos Kechris and the Italian Christina Gianelli in an extract of “La Rondine”.

Danielle Pister, Cercle Lyrique de Metz

Master classes de José Cura 3 et 5 septembre 2010 – Opéra National de Lorraine

Depuis 2007, l’association Nancy Opéra Passion, présidée par Jacques Delfosse, offre au public de l’Opéra national de Nancy et de Lorraine, la possibilité d’assister aux Master classes publiques données par José Cura, le premier vendredi de septembre. Le dimanche suivant, un concert de clôture permet aux jeunes artistes lyriques de faire montre de tout leur talent.

L’édition de cette année, comme les deux précédentes, doit permettre de sélectionner les futurs chanteurs de la « Youth Production » de La Rondine de Puccini, une coproduction Nancy Opéra Passion et Opéra national de Lorraine dont les représentations auront lieu en mai 2012.

Treize jeunes chanteurs ont été sélectionnés. Venus de France, d’Europe centrale et de l’Est et même du Panama, ils avaient tous en commun une qualité vocale et un niveau technique remarquables.

Mais la véritable vedette de ces différentes prestations reste la star José Cura : ténor, chef d’orchestre, metteur en scène et compositeur à ses heures perdues, il anime un véritable spectacle par sa verve, sa bonne humeur et ses fausses colères qui mettent en joie le public. Elles permettent de faire accepter, sans être blessant, des remarques parfois sévères à des artistes qui, pour la plupart, sont loin d’être des débutants.

Là se révèle tout l’art du pédagogue qui repose sur un jugement sûr, une profonde connaissance du répertoire, une sensibilité musicale jamais prise en défaut, et un amour communicatif de l’opéra. Il sait encourager et faire découvrir à chacun ce qu’il est capable d’accomplir. Par un mot (passant sans transition du français à l’italien ou à l’anglais), un geste (visant le point du corps qui doit faciliter l’émission du son), il remet sur le bon chemin le chanteur qui s’égare ; si nécessaire, il se livre à une explication de texte qui justifie les choix interprétatifs. Véritable Janus, il ne lâche pas des yeux les candidats, tout en veillant à la moindre nuance de l’orchestre qu’il ne cesse pas de diriger, même quand il donne la réplique à l’un des candidats ou chante en duo avec lui. Débordant littéralement d’une énergique générosité, il interpelle interprètes et public dans un français savoureusement vert, fruit de cinq années de séjour en France. Visiblement, il n’a pas dû fréquenter que le seul public huppé des soirées de gala.

Pour les spectateurs qui ont pu assister aux deux séances de trois heures du vendredi et au concert du dimanche, le résultat de ce travail exigeant, même si la bonne humeur ne semble jamais perdre ses droits, est sensible. Le jeune ténor (24 ans) Florian Cafiero, par ailleurs Normalien et Polytechnicien, fournit l’exemple le plus patent : passant en fin de la seconde séance d’exercice de vendredi, épuisé par une longue séance de travail, il s’étranglait dans le Lamento di Federico de l’Arlesiana de Cilea. Avec une patience toute paternelle, José Cura est arrivé à lui redonner confiance en lui. En concert, le jeune chanteur a été acclamé pour sa parfaite interprétation de cet air célèbre.

Il était l’un des six chanteurs français présents, auxquels on peut ajouter Diana Croitoriou d’origine roumaine, venue, il y a dix ans, étudier en France. Grande voix de soprano mais menacée par un vibrato dans les forte dont elle use dès l’attaque du « Vissi d’arte » de Tosca. Beauté du timbre et parfaite technique vocale caractérisent les deux mezzo-sopranos : Audrey Kessejian, remarquable d’autorité dans Romeo (I Capuletti e i Montecchi de Bellini) ; Aline Martin, formée au conservatoire de Nancy, est une Adalgisa déjà accomplie (Norma de Bellini). Marc Scofoni, baryton au timbre séduisant et à la voix parfaitement posée, sut rendre toute la grandeur du personnage de Posa (Don Carlo de Verdi). La veille au soir, il avait chanté dans la Carmen donnée au château d’Haroué. Vincent Delhoume s’attira ce compliment mérité de la part du Maestro pour son interprétation d’un air de La Rondine de Puccini : « Ça, c’est la classe !» Odile Heimburger attaqua avec beaucoup d’aplomb le redoutable grand air du premier acte de La Traviata. Sans doute la technique de la colorature devra être améliorée mais les moyens vocaux et le tempérament sont là.

Cette session met un baume sur le cœur des mélomanes français qui désespèrent de retrouver les grandes voix dont la France a toujours enrichi l’art lyrique international. Encore faut-il que les maisons d’opéra leur donnent l’occasion de se faire entendre. Un seul regret : qu’ils n’aient pas pu « chanter dans leur arbre » en interprétant des œuvres françaises.

Les candidats étrangers n’étaient pas en reste : Joseph Skarka, basse tchèque, douloureux dans le monologue de Philippe II, âpre dans son débat avec le Grand Inquisiteur, le polonais Miroslaw Witkowski, aux prises lui avec la difficulté des graves profonds du rôle (Don Carlo de Verdi), montra ce qu’intelligence musicale veut dire ; le baryton panaméen, Ricardo Velasquez, remarquable par son timbre chaud et son style irréprochable, incarna un Posa de grande classe face au Carlo de José Cura qui apporte ainsi sa contribution à l’un des plus beaux duos du répertoire verdien tout en battant la mesure.

Autres voix agréables, celles du ténor grec, Christos Kechris et de l’Italienne Christina Gianelli dans un extrait de La Rondine. Natalia Gospodinova doit sans doute à son origine bulgare un vibrato assez caractéristique des voix slaves, inattendue chez l’humble Liu (Turandot).

En prime, l’Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy, toujours sous la direction du Maestro Cura, joua, après l’entracte, le seul extrait d’opéra français de cette matinée lyrique, la Bacchanale du dernier acte du Samson et Dalila de Saint-Saëns. Son orientalisme, puisé dans les longs séjours du compositeur en Algérie, était peut-être dépaysé dans ce contexte italien. Toujours est-il, qu’elle ne sonna pas toujours très juste.

Quoi qu’il en soit, à voir les marques de reconnaissance adressées au chef par les solistes et les visages réjouis des spectateurs à la sortie du concert, nul doute que ces Master classes 2010 ont été une nouvelle réussite.

Grâce en soit rendue à José Cura, artiste accompli s’il en est, et bon vent à ses jeunes émules. Et un grand merci à Nancy Opéra Passion.

Danielle Pister

Source: www.cerclelyriquedemetz.com

05/10/2010